Auteur: Jean-Pierre Fortin (0008)
Source: Recueil souvenir # 12 – juillet 2015, pages 7-10
Dernière mise à jour: 4 juillet 2015
Courriel: info@afafortin.com

Julien Fortin, fils de Simon Fortin et Marie Dodier, épouse Marie Lavye, fille de Gervais Lavye alors hôtelier du « Cheval Blanc ». Le mariage a lieu le 26 novembre 1619 en l’église Notre-Dame-de-Vair. Julien est alors dit boucher et travaille à l’établissement de son beau-père.

À cette époque, la commune de St-Cosme-de-Vair compte deux paroisses : St-Cosme et Notre-Dame; cependant le territoire de Notre-Dame déborde les limites de la province du Perche et une partie se retrouve dans celle du Maine.

L’union Fortin-Lavye sera cependant de courte durée. Marie Lavye décède le 25 novembre 1628 après avoir eu trois enfants :               Julien (1621), Hélène (1622) et Mathurin (1627); seuls les deux garçons survivent, Hélène décédant à trois ans et demi. Julien Fortin père se remariera en 1630 avec Julienne Guillemin qui lui donnera huit autres enfants.

Né le 9 février 1621, Julien fut donc élevé par sa belle-mère. À l’adolescence, les jeunes garçons devenaient apprentis pour développer leurs capacités à exercer un métier ou une profession. Exerça-t-il le métier de boucher de son père? Aucun document ne nous indique que tel fut le cas sauf le recensement de 1666 en Nouvelle-France, qui le qualifie de boucher. Nous serions plutôt enclin à penser que son apprentissage se déroula de préférence dans le secteur du commerce en nous basant sur son futur parcours en Nouvelle-France; de plus, quand il décida d’émigrer, il ne s’engagea pas à contrat mais il y alla de ses propres moyens, ce qui laisse supposer qu’il avait pu amasser un certain pécule.

Localisation de la province du Perche au nord de la France.

Robert Giffard né en 1587 à Mortagne, capitale du Perche, suit un apprentissage chez un médecin-apothicaire. Il fait un premier voyage en Nouvelle-France vers 1622 et un second en 1634 à titre de chirurgien de marine sur un des vaisseaux gréés par la Compagnie des Cent-Associés.

Acte de Naissance de Julien Fortin enregistré à Notre-dame-de-Vair où l’on peut lire : « Le 9 février 1621 fut baptisé Julian fils de Julian Fortin Et de Marie Lavye sa mère et fut le parrain Françoys Loriot et la marraine Denise Fouet veuve Fortin par nous curé ».

En 1634, il obtient la seigneurie de Beauport et, à titre de seigneur, il se doit de recruter des colons pour mettre ses terres en valeur. Cette année-là, il y amène sa famille ainsi plusieurs colons. En 1650, il revient en France et continue ses conférences sur le Nouveau-Monde principalement dans le Perche, endroit qu’il connaît très bien. Il réussit à convaincre plusieurs jeunes hommes, dont Julien Fortin, à faire le voyage vers la Nouvelle-France pour une vie meilleure. Sur les voiliers d’alors, la traversée de l’Atlantique dure de quatre à douze semaines selon les vents portants. La décision devait être certes difficile à prendre car on allait affronter l’inconnu et on devait quitter la famille en pensant qu’on ne la reverrait peut-être jamais, ce qui était le sort de la majorité de ces immigrants.

En Nouvelle-France

Navire utilisé pour le transport des passagers et les marchandises vers le Nouveau-Monde.

Le départ de la France dut se faire vers la fin du printemps afin d’éviter le passage des glaces dans le golfe St-Laurent et de profiter d’une période venteuse mais exempte de tempêtes. On ne sait pas sur quel bateau Julien a traversé, mais il devait être accompagné de quelques-uns de ses concitoyens dont Simon Rocheron, Antoine Rouillard, Claude Bouchard, Martin Boullard, Pierre Maufay et Simon Lereau dont la présence est signalée peu après en Nouvelle-France.

La première présence documentée de notre ancêtre au pays se situe en décembre 1650 alors qu’on lui concède une terre de cinq arpents à Ste-Anne-de-Beaupré qui s’appelait alors Ste-Anne-du-Petit-Cap. Il reçoit ses titres officiels d’Olivier Letardif, procureur de la Compagnie de Beaupré, en même temps qu’Étienne Racine, Claude Poulin, Étienne de Lessart, Robert Giguère, Julien Mercier, Louis Gasnier, Pierre Picard et Claude Bouchard. Il revendra cette concession à Robert Caron le 27 mars 1654 pour la somme de 500 livres.

Pourquoi appelle-t-on Julien Fortin « dit Bellefontaine » ou « de Bellefontaine » ou tout simplement « Bellefontaine »? Est-ce que l’ajout de cette particule vient de lui ou lui a été accolée? Plusieurs hypothèses circulent sur le sujet mais nous n’avons trouvé aucun document expliquant la situation. 

C’est le 11 novembre 1652 que Julien unit sa destinée à Geneviève Gamache, fille de Nicolas Gamache et Jacqueline Cadot. La cérémonie se déroule à Cap-Tourmente, tout probablement à la Ferme-du-Milieu où l’on retrouve« l’Habitation de Toussaincts » et le prêtre missionnaire qui la préside enregistrera l’acte à la paroisse Notre-Dame de Québec. Geneviève Gamache était née à Bréval, diocèse de Chartres dans la province de l’Île-de-France. Elle était arrivée au pays cette même année avec son père et son frère Nicolas. Les mariés avaient passé leur contrat de mariage le 23 octobre précédent devant le notaire Claude Auber en présence de Claude Bouchard, Louis Gasnier, Pierre Picard, Florent Buisson, Abel Benoît et Nicolas Gamache, père.

Julien nous montre ses qualités d’homme d’affaires en achetant, le 23 août 1657, la part de Charles de Lauzon, un des huit associés de la Compagnie de Beaupré pour la somme de 700 livres « en nature de castor ».

Plaque à l’intérieur de l’église de St-Cosme-en-Vairais identifiant les familles qui ont fourni de leurs enfants au peuplement de la Nouvelle-France.

Mariage de Julien Fortin et Geneviève Gamache célébré à Cap-Tourmente le 11 novembre 1652 en présence de Nicolas Gamache, père de l’épouse, du sieur LeTardif, de Louys Gaigner et de Claude Auber. L’acte a été enregistré à la paroisse Notre-Dame de Québec.

Par cette transaction, il devenait seigneur pour ⅛ des seigneuries de Beaupré et de l’Isle d’Orléans. Il revendit cette part à Mgr de Laval pour la somme de 750 livres le 11 février 1662. Durant le reste de sa vie, on dénombre une trentaine d’actes notariés l’impliquant dans des achats, ventes, quittances, dons de terres et de biens divers. Le recensement de 1667 nous montre une famille assez prospère où, en plus des membres de la famille, on dénombre 15 bestiaux, 20 arpents en valeur et deux engagés.

Le 4 juin 1659, Pierre LeVoyer d’Argenson, conseiller du roi, lieutenant général pour sa Majesté en Nouvelle-France et procureur de la Compagnie de Beaupré, concède à Julien Fortin une terre de six arpents de front sur le fleuve St-Laurent par une lieue et demie de profondeur. Cette terre est bornée d’un côté par la Grande Ferme et de l’autre par la Ferme-du-Milieu affermée à Abel Benoist. Cette concession lui permet de chasser et de pêcher sur le fleuve vis-à-vis son emplacement; il est aussi obligé de payer cens et rentes aux Seigneurs de Beaupré et de se conformer aux règles établies pour la dite seigneurie. Plus tard, lorsque la Ferme-du-Milieu sera rattachée à la Petite Ferme, seule la terre de Julien Fortin séparera les deux fermes.

La famille

Lors du contrat de mariage de Julien et Geneviève, le père de la mariée s’est engagé à héberger et nourrir les époux pour une période de deux ans. Ensuite, Julien et sa famille s’installèrent probablement sur la terre de Cap-Tourmente ayant fait son acquisition par entente verbale car durant cette période, la Compagnie de Beaupré n’avait pas de procureur. Comme on a vu précédemment, l’entente fut confirmée en 1659.
La vie n’est pas toujours de tout repos à Cap-Tourmente. Après la naissance de leurs quatre premiers enfants : Barbe (1654), Charles (1656), Eustache (1658) et Jacques (1660), la famille doit se transporter à Château-Richer en 1660 en raison des incursions toujours plus fréquentes des Iroquois. L’année 1661 semble cependant être la plus difficile; après l’attaque perpétrée à Tadoussac, les Iroquois font de grands dégâts chez les habitants de Cap-Tourmente et de l’Isle d’Orléans, tuant une trentaine de personnes et saccageant bâtiments et récoltes. Julien achète une terre à Château-Richer d’Urbain Beaudry pour la somme de 370 livres, laquelle terre est située à environ ½ mille à l’est de l’église.

Il achète un peu plus tard pour 600 livres la maison construite par le chirurgien François Fortin appartenant à Nicolas Huot. C’est à cet endroit que naissent les enfants suivants du couple Fortin-Gamache : Geneviève (1662) dont le parrain est François Fortin, chirurgien, au nom de Nicolas Gamache et la marraine Geneviève Auber, fille de Claude Auber, notaire, Joseph (1664), Marie-Anne (1666), Julien (1667) et Pierre (1669). La famille revient à Cap-Tourmente vers 1670 où naissent les trois derniers enfants : Louis (1671), Jean (1674) et Marguerite (1677); Louis et Jean sont baptisés à Ste-Anne-de-Beaupré tandis que Marguerite l’est à la Chapelle de Cap-Tourmente.
Entretemps, Barbe, l’aînée, épouse Pierre Gagnon en 1669 à Château-Richer et c’est en 1671 que Julien et Geneviève deviendront grands-parents pour la première fois à la naissance de Marie-Madeleine Gagnon; cette dernière épousera en 1686 René Lepage, futur seigneur de Rimouski.
Par la suite, les mariages se succéderont :

Type d’église qui aurait été construite à St-Joachim en 1684 selon les résultats des fouilles archéologiques effectuées à cet endroit et le modèle utilisé à cette époque.

Charles et Xainte Cloutier (1681),
Marie-Anne et Jean Picard (1683),
Geneviève et Noël Gagnon (1683),
Jacques et Catherine Biville (1689),
Joseph et Agnès Cloutier (1691),
Eustache et Louise Cloutier (1693),
Pierre et Gertrude Hudon (1697)
puis Marguerite et Pierre-François Fromage (1699).

 

La vie ne comportant pas que des réjouissances, le couple Fortin-Gamache a perdu 3 enfants : Julien (20 ans), Louis (18 ans) et Jean (20 ans env.) des suites d’épidémies.